MONTBRUN



Lacroix : Statistiques du département de la Drôme 1835



MONTBRUN



MONTBRUN (Castrum Montis Bruni). - Le bourg de Montbrun est à 20 kilomètres nord de Sault, département de Vaucluse, 33 sud-est du Buis, 10 sud-ouest de Séderon et 65 sud-est de Nyons. Il est bâti en amphithéâtre sur une colline entourée de montagnes. Il s'y tient trois foires par an, et la population est de 1,446 individus. Au bas et au midi du bourg est un vallon assez fertile.
Le territoire est baigné par quelques torrens, qui occasionnent beaucoup de dommages en hiver et se dessèchent en été. Un seul ruisseau arrose habituellement les terres qui le bordent. Quelques sources servent en outre à l'irrigation particulière des terrains où elles jaillissent ; mais en général cette commune, d'un sol nerveux et propre à la végétation, souffre des sécheresses de l'été. Ses productions sont les céréales, l'huile d'olive et de noix, le vin et les fourrages ; la principale est le blé.
On y voit des carrières d'un plâtre renommé par sa blancheur et sa solidité, dont on tire un parti très utile pour l'engrais des terres. Près de ces carrières coule une source abondante d'eau minérale.
Montbrun est fort ancien. Ce fut un des premiers marquisats créés en Dauphiné. Il prit une grande part aux troubles religieux du XVIme siècle. Dévoué au parti protestant, dont son seigneur, Dupuy-Montbrun, était un des principaux chefs, il lui fournit de nombreux soldats, avec lesquels il assiégea et prit beaucoup de places, et soutint, à son tour, plusieurs siéges dans le château de Montbrun, alors fortifié.
Ce château est encore remarquable, malgré son dépérissement journalier. Il est si vaste, que, du temps de Dupuy-Montbrun, qui vivait avec une magnificence royale, on y logeait jusqu'à 100 maîtres, outre 20 pages, ses commensaux : 200 chevaux étaient entretenus dans ses écuries. Cet édifice est sur le roc du côté du nord, et soutenu dans la façade du midi par des terrasses, qui, si elles venaient à s'ébouler, écraseraient la moitié du bourg. L'architecture est un mélange de gothique et de toscan. Des peintures à fresque d'un très bon goût et d'un style parfait, au jugement des connaisseurs, décoraient les plafonds et les murs de plusieurs appartemens.
Les ressources particulières de Dupuy-Montbrun ne suffisant point pour avoir état de prince, et entretenir le nombre considérable d'hommes d'armes qu'il avait toujours à son service, il y suppléait en faisant une guerre de flibustiers, et en mettant à contribution les pays voisins. Il se présenta, dans une de ses incursions, aux portes de la petite ville de Sault ; elles lui furent refusées ; et comme il était devenu la terreur des environs, l'alarme fut grande dans la place. Tous les hommes valides sortirent pour le combattre, et fondirent avec fureur sur les soldats de Montbrun. Ceux-ci, feignant de prendre la fuite, se retirèrent dans un bois voisin. Les habitans de Sault les ayant poursuivis, tombèrent dans une embuscade où Montbrun les attendait : il les fit tailler en pièces, et il n'échappa qu'un seul de ces malheureux qui alla se cacher sous la voûte du moulin. La ville de Sault fut livrée au pillage, et, si l'on en croit la tradition, on enleva jusqu'à la cloche de l'église, qui fut transportée dans le bourg de Montbrun. C'est en mémoire de cette sanglante défaite que depuis lors on chante tous les ans dans l'église de Sault, le jour de l'Ascension, vespres des morts, après les vêpres solennelles.
On voit dans la plaine, au-dessous de Montbrun, les ruines d'un monastère fondé par les Templiers, qui passa, lors de la suppression de l'ordre, à des bénédictins de l'abbaye de Villeneuve-lès-Avignon.
D'après une autre tradition, conservée par le cadastre de la commune, Dupuy-Montbrun étant un jour sur la terrasse de son château, aperçoit un des moines qui se promenait autour du cloître ; il dit à un de ses gens de lui apporter sa carabine pour tuer un merle, et avec un horrible sangfroid, qu'on ne concevrait point si l'on ne savait jusqu'où l'esprit de parti pousse la barbarie au milieu des discordes civiles, il couche en joue le malheureux bénédictin et le fait tomber mort. Craignant d'éprouver le même sort, deux autres religieux, ses compagnons, se sauvèrent dans la nuit, et se retirèrent à l'abbaye de Villeneuve. Le seigneur s'empara de leurs biens, et quand le calme fut rétabli, l'abbaye les réclama devant les tribunaux : l'affaire fut arbitrée, et il fut convenu que le seigneur garderait les biens des religieux, moyennant une redevance annuelle de 450 francs, qui a été payée jusqu'en 1790.
Né au château de Montbrun en 1530, Charles Dupuy-Montbrun est mort à Grenoble, sur un échafaud, le 12 août 1575.

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